Série OUPAPO...
La contrainte en art est une source inépuisable de créativité.
Je trouve fascinante la profusion d'inventivité que génèrent les jeux d'écriture sous contraintes, tels que ceux proposés par l'OuLiPo ("Ouvroir de Littérature Potentielle").
C'est donc en hommage à leur modèle de l'OuXPo, conçu pour être décliné à toutes les disciplines artistiques, que j'ai choisi le terme OuPaPo ("Ouvroir de Page Potentielle"), pour désigner l'ensemble de mes recherches en matière de caviardage.
Caviardage
Issu de la censure, le caviardage consiste à rendre illisible, par oblitération à l'encre noire, des morceaux de textes ou d'images, dans une publication ou un manuscrit existants, avec l'intention d'en établir une lecture revisitée.
La poésie s'est emparé de cette technique de masquage pour la rendre artistiquement productive.
Il s'agit de considérer le texte comme un matériau, à la fois littéraire et plastique, dont on explore les possibilités de transformations, afin d'en proposer un contenu et une forme totalement inédits.
C'est la page d'origine elle-même qui constitue le creuset de contraintes où faire naître l'hypertexte.
Outre la technique traditionelle de biffer, l'opération de caviardage peut se faire de manières extremement variées : entourer, souligner, surligner, recouvrir, ornementer, effacer, découper, plier, etc.
Tout technique est envisageable, dès lors qu'elle travaille à l'extraction et à la lisibilité du nouveau texte.
Voici quelques exemples d'OuPaPo, choisis pour illustrer l'évolution de ma pratique dans l'art du caviardage...
1) D'abord, le simple plaisir de passer au noir une page pour y faire apparaître un nouveau texte.
2) Puis, celui de s'amuser à y ajouter de la couleur, des motifs, des textures, pour rendre l'ensemble plus graphique.
3) Ensuite, celui de faire se rejoindre forme et sens, d'une manière illustrative.
4) Plus radicalement, celui de fusionner l'acte de dire et faire en un tout indissociable, qui met en oeuvre le principe performatif.
5) Mais aussi, celui d' "ouvrir" littéralement la surface de la page, pour en explorer les potentialités en 3D.
6) Ou encore, celui d'y ajouter la dimension temporelle, en créant des formats animés, et petits clips vidéo, qui donnent à voir la transformation même de la page.
7) Enfin, et c'est là sans doute le plus élaboré que j'ai réalisé jusqu'à présent, celui de créer une sorte de storyboard animé, composé de plusieurs pages, caviardées à partir d'un même hypotexte, et dont la succession va permettre de raconter et illustrer toute une histoire.
1) OUPAPO 20210129 p. 41 La mémoire de l'eau / Silvana Gandolfi
"[Qu'est-ce que] le caviardage [?]
Exclure serait un jeu,
au bout duquel attend une voix.
On force un passage, plein de leviers cachés,
qui ouvrent une sorte de passage secret.
Découvrir ce qu'il y a sous ce bas-relief
me captive malgré moi."
2) OUPAPO 20210130 p. 44 La mémoire de l'eau / Silvana Gandolfi
"Le regard animé, en un instant,
on change un paysage disparu
en kaléidoscope.
Devant nous, un réseau d'étroits sacs
dit en plus éclatant ce qu'il y a dedans."
3) OUPAPO 20210131 p. 45 La mémoire de l'eau / Silvana Gandolfi
"C'était un étrange enchevêtrement de boas
que je n'arrivais pas à voir,
pendant emmêlés, entrelacés,
sifflant soudain devant moi, à peine visibles.
J'observais, en écartant,
pour laisser passer ces biscornus serpents.."
3) OUPAPO 20210129 p. 55 La mémoire de l'eau / Silvana Gandolfi
"Plaisir de trouver un espace me faisant signe.
Fresque vivante où le corps se masque de noir,
et se déploie en fixant de rouges figures."
4 et 5) OUPAPO 20211115 Espèces d'espaces / Georges Perec
"Mes illisibles triturés
se defont par dessous.
Mystère de failles
où j'arbore une lie de plis ouverts...
Externalisé de ces propos,
le signe m'est donné en conquête.
Espace fragile,
à étirer, resserrer, ou ligaturer,
écrit en lettres décelées au petit bonheur,
fondu en laisse de lambeaux informes,
méticuleusement retenus.
Rechercher les bribes à cisailler
m'assigne à oser."
6 et 7) OUPAPO 20201220 Rêvé pour l'hiver / Arthur Rimbaud
"Dans un moment de hargne et de folie,
Verlaine tira sur Rimbaud.
- Voilà pour toi puisque tu pars !
Par chance, le coup a raté...
- Tu es fou. Adieu."





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